Un petit choix de citations sur la poésie et les poètes, relevées chez Pierre Autin-Grenier, Jean-Pierre Siméon, Jean Giono, Jean Follain, Thierry Cazals, Alain Boudet, Ahmed Rassim, Stéphane Audeguy, Thierry Gosset, Michel Jourdan, Philippe Jaccottet, Dany Laferrière
Dernière mise à jour : 05/01/2024
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« La vraie poésie est invisible. […] La poésie est partout, et pas toujours dans un poème.
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La poésie s’habille comme elle veut. Je la préfère en minijupe, mais ça ne regarde que moi. »
Dany Fafferrière – Journal d’un écrivain en pyjama
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« Ouvrir un livre de poésie, c’est vouloir s’éclairer avec une bougie en pleine déflagration de bombe à hydrogène.
[…]
Il faut évidemment accepter une condition préalable qui, elle aussi, est un défi à notre époque : celle de l’arrêt. Il faut suspendre un instant le tourbillon de l’action, le mouvement de notre hâte inquiète, assourdissante, s’immobiliser, et laisser s’ouvrir cette étrange promesse comme on voit s’ouvrir une graine. L’opposition de la poésie et des grands événements de notre temps, c’est peut-être le combat de la graine et du tonnerre. »
Philippe Jaccottet – Comment lire la poésie in Tout n’est pas dit
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« Considérez seulement ce qu’implique la seule lecture d’un poème, fût-il un haïku de trois vers : temps d’arrêt, latence, immobilisation, silence pour un bénéfice intangible, inquantifiable, invérifiable. Scandale d’un temps perdu et improductif dans un monde où tout geste, toute action, tout aspect de la vie, même le loisir et le repos, même le soleil, n’est admissible que lié à un profit matériel et évaluable. »
Jean-Pierre Siméon – Petit éloge de la poésie
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« La poésie n’est pas un art d’écrire, mais un art de la perception. »
Michel Jourdan – Le promeneur secret
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« C’est toute l’année « le Printemps des Poètes » car c’est toute l’année que la poésie se dresse désarmée et désarmante contre la tyrannie de l’argent et du pouvoir tous azimuts. C’est toute l’année « le Printemps des Poètes » pour ceux et celles, sans doute beaucoup plus nombreux que ne laisse penser une lecture bornée de l’actualité, qui vivent pour autre chose que pour la performance sociale et professionnelle. Bref, la poésie c’est la vie ! «
Thierry Gosset – Pour toute la saveur du monde
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« Un caillou, un bout de bois, un morceau de ficelle … Il écrit tout ça sur une feuille de papier qu’il faut bien dire d’une blancheur impressionnante. Il ajoute un chien mouillé aussi ; un verre vide, une calebasse emplie de citrons posée sur un coin de la table de marbre … Moins blanche la page maintenant. Déjà noircie au tiers (l’écriture est généreuse) par ces mots, si simples.
Alors levant les yeux vers les yeux de celui qui lisait, intrigué, par-dessus son épaule, il dit humblement : « ça n’est que ça, la poésie. » Et l’autre, surpris, lui parle alors d’où il vient : un pays de cailloux. Lui parle de bouts de bois et morceaux de ficelle avec lesquels il fabriquait, jadis, les jouets de son enfance …
Les verres ne restent pas vides longtemps quand on cause ainsi des choses de tous les jours. Tout le monde a aimé aussi un chien mouillé, une fois au moins dans sa vie. Mais certains, par pudeur, n’en disent rien. C’est pour ceux-là — qu’ils osent enfin parler ! — que le poète écrit parfois un petit poème. Très simplement. Pour des gens comme lui en somme, simples.
« Patron ! Remettez-nous ça ! »
Pierre Autin-Grenier – Simple in Jours anciens
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« La poésie ne veut pas vous distraire ou vous divertir, c’est-à-dire vous aider à oublier les choses graves. Au contraire, elle ne vous parle que de choses graves, elle vous parle, les yeux dans les yeux, de ce dont personne n’ose vous parler, sauf peut-être vos meilleurs amis, parce que justement c’est trop grave : la mort qui rôde autour de vous, le désir qui fait trembler les doigts, le terrible silence du ciel dans la nuit, le rêve d’un baiser, la solitude dont on ne sort pas, ce grand silence au fond de soi dont on ne sait que faire, la joie étrange, stupéfiante, de se sentir soudain heureux pour rien dans le soleil. […]
Etre poète ce n’est pas seulement écrire des poèmes. C’est une manière de vivre, une façon particulière de traverser le monde : l’œil et l’esprit ouverts, curieux de tout, le poète est un étonné perpétuel, passionné du nouveau, de l’étrange, de l’autre, de tout ce qui lui enseigne que dans ce qu’il voit, entend, fait chaque jour, il y a mille secrets cachés, un inconnu qu’il ne finira jamais d’explorer. Qu’il y a un autre monde dans le monde, tout aussi vrai que le premier mais plus vaste. […]
Vous savez que ce n’est pas toujours sur les chemins balisés et les sites à pancartes trois étoiles qu’on fait les plus belles découvertes. Alors faites votre propre sentier, cherchez derrière les buissons, soulevez les pierres, perdez-vous, prenez des raccourcis si ça vous chante. C’est là qu’il faut cultiver sa paresse : il faut savoir flâner, bader, traîner les pieds, s’asseoir à tout bout de champ, s’arrêter au drôle de petit détail et, si d’un coup la pente devient trop forte, faire un détour. Vous n’avez de compte à rendre à personne. Soyez seulement patients. […]
Revendiquez la lenteur : dans notre monde à toute vapeur, c’est un droit délicieux dont on nous a privés. Profitez-en, en poésie ce sont les lents qui gagnent ».
Jean-Pierre Siméon – Aïe ! un poète
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« Mais à défaut d’à peine gagner son pain ou d’accumuler des royalties, il faut bien trouver une raison d’être, une molle occupation qui justifie notre présence sur cette planète et comme prétexte à vivre (aussi pour tuer le temps entre deux rotations de l’univers), je n’ai rien inventé de mieux qu’écrire des poèmes ».
Pierre Autin-Grenier – Je ne suis pas un héros
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« Le poète doit être un professeur d’espérance […] Je chante le rythme mouvant et le désordre ».
Jean Giono – Aux sources mêmes de l’espérance
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« Le poète demeure peut-être un de ceux qui aurait le plus tendance à dire que justement, la raison de vivre c’est la vie même. La raison de vivre d’un poète vrai consiste à vivre la poésie, à traduire l’expérience qui lui en est donnée. Je donne volontiers comme but au poète d’exprimer aussi souverainement qu’il le pourra le faire cet ineffable que demeure l’existence en soi quand elle se trouve ressentie.
[…]
Non, la raison et les raisons ne vont guère avec la poésie, mais quelle est la raison de vivre du poète ? On pourrait répondre, fût-ce approximativement : tout sauver par un verbe le plus exactement pur ».
Jean Follain – La raison de vivre du poète
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« Trois pincées de poésie dans la soupe grise du quotidien et aussitôt tout devient précieux, digne d’écoute et de respect, tout retrouve son juste prix, sa présence première, qui ne se réduira jamais à la valeur économique et marchande. Il est bon de montrer aux enfants (et à tous …)* que, pour exister et être reconnu, on est pas obligé de passer son temps à acheter, consommer, posséder (avec toutes les frustrations inhérentes à cette fuite en avant). Les richesses de la poésie sont accessibles à tous. Tout de suite. Sans limite. Il suffit de puiser dans le torrent toujours neuf de nos cœurs. »
Thierry Cazals – Nouvel Observateur du 30/06/2005
* c’est moi qui ajoute…
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« La poésie n’est pas ailleurs, ni là-bas.. Elle est ici. Partout où vivent, travaillent, jouent, aiment, souffrent et meurent les hommes. Partout où les uns et les autres, retrouvant leur regard d’enfance, percent l’enveloppe quotidienne des habitudes pour montrer la vie, nos vies, enfin décapées, sous un jour nouveau.
Ecrire, lire de la poésie, c’est pour moi un exercice de grande humilité à l’égard des mots. Les accepter. Admettre les surprises qu’ils nous réservent. Leur résistance à nous parler. Accepter de les aimer sans chaque fois les comprendre tout à fait, tout entier. Les accueillir, simples et vivants. Muets parfois.
La poésie, c’est la parole qui éclaire ce dont elle parle d’un point de vue particulier. Et ce point de vue est différent pour chaque poète. Peut-être même varie-t-il à chaque instant. »
Alain Boudet – site « La Toile de l’Un » – copyright – http://boudully.perso.cegetel.net/
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« Le petit libraire Oustaz Ali me dit un jour :
– Dès qu’un poème dépasse trois lignes, ce n’est plus de la poésie, mais du roman. Puisque le mot juste suffit, pourquoi alourdir le poème ? Nos baisers et nos larmes, eux, ne parlent guère et cependant nous les comprenons.
(…)
– La poésie est une harmonie de sons, de couleurs, de formes et de pensées. Elle existe, à l’état pur, partout, aussi bien dans les corolles d’une fleur de serre, que dans le silence fluide qui baigne les champs de blé. Or, pareil au peintre qui ramène son dessin à l’abstraction de la ligne, le vrai poète ne glane que les mots justes pour qu’aucune recherche vaine ne dépare son émotion.
(…)
– La brièveté n’est-elle pas une des formes supérieures de l’art poétique ?
Il dit encore :
– Un poème doit être muet
comme un secret, muet
comme une blessure, muet
comme un vol de colombe dans l’azur. »
Ahmed Rassim – Broderie pour éventail et poèmes pour ongles (1943-1947)
in Le journal d’un pauvre fonctionnaire et autres textes (Denoel – 2007)
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« N’importe quel individu qui, chaque jour de sa vie, consacrerait ne serait-ce que vingt minutes à lire de la poésie, c’est-à-dire à la pratiquer, s’en trouverait profondément changé, et libéré. D’où l’intérêt de notre société à détourner qui que ce soit de cette activité. »
Stéphane Audeguy (Petit éloge de la douceur)
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